Espace Public

Les projets publics doivent appréhender leur environnement de manière discursive : comment l’œuvre d’art s’accommode-t-elle de la pluralité de voix et d’influences qui compose l’espace public ? Dans quelle mesure l’artiste et le spectateur sont-ils affectés par la complexification de leur relation résultant de ce nouveau contexte ?

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Photographie : Marlen Müller

Discussion In Extenso – Erweitert : Espace Public

TRAILER IN EXTENSO – ERWEITERT : ESPACE PUBLIC

Exberliner – Entretien avec Céline Poulin

“Three questions for… Céline Poulin”

Arte Creative – Entretien avec Céline Poulin

« Je m’intéresse à l’art, celui qui perturbe »

Dans un interview avec Arte Creative, Céline Poulin parle de son travail de commissaire et du projet In Extenso – Erweitert.

Quatre questions à Céline Poulin

Comment définirais-tu la notion de « d’espace public » ? J’oriente l’analyse de la notion d’espace public dans trois directions : le « care », le langage et la fiction qui construisent l’espace public. Dans leur ouvrage Actors, Agents and Attendants, Caring Culture : Art, Architecture and the Politics of Health, les éditeurs Andrea Phillips et Markus Miessen s’interrogent sur le lien entre l’art et la culture et les politiques du « care », terme polysémique mettant en parallèle les institutions et agents du soin (hôpitaux, éducateurs, travailleurs sociaux, etc.), le terme « curator » qui découle de la même racine et signifie aussi « prendre soin », ici du public, et enfin les politiques publiques du « welfare state » dans les régimes démocratiques, impliquant la sécurité sociale et toutes sortes d’aides. Leur ouvrage critique le paradigme du « care » comme « idéologique, paternaliste, répressif de l’individu, des singularités et de la croissance (capitaliste) » malgré ses avantages évidents, à savoir « la gratuité de l’école, l’aide au développement artistique, l’égalité d’accès à la culture, à l’éducation et aux soins ».

La notion de « care » est importante car elle pose la question des rôles dans l’espace public. En effet, elle oppose ceux dont on prend soin et ceux qui déterminent ces soins et à qui ils doivent s’adresser. Malgré une intention a priori louable, cela dessine des rapports de pouvoir : qui prescrit les règles ? Qui les suit ? Si quelqu’un ne souhaite pas suivre les prescriptions, que se passe-t-il ? J’utilise le terme « prescrire » car ce pouvoir dans l’espace public est très souvent une question de langage : qui parle ? Qui est autorisé à parler ? Quel est le langage officiel ? S’exprimer (à l’oral ou à l’écrit) a un impact fort sur l’espace public et organise la place de chacun et pour chacun.

Markus Miessen, également architecte, donne avec Magnus Nilsson de nOffice une analyse du design des espaces de prise de parole. Ils mettent en avant le pouvoir régulateur des structures mobilières ou architecturales dans l’espace public, comme les amphithéâtres : la disposition des éléments définit la place des émetteurs et des récepteurs. Le langage oral et scriptural découpe ainsi l’espace public. Les mots sont écrits sur les murs, légalement avec la publicité, illégalement avec les graffiti par exemple.

Il est essentiel d’appréhender l’espace public comme espace discursif. Le travail de Jean-Pascal Flavien permet de saisir cette dimension. Comme l’analyse Vanessa Desclaux dans le livre « A sequence or phrase », la grammaire est un ensemble de règles, de conventions de normes qui régulent le langage, dans le cadre de la communication, mais aussi bien l’architecture dans le cadre de l’habitation. C’est en mettant à disposition des occupants de ses maisons des outils grammaticaux (murs et mobiliers mobiles et amovibles par exemple) que Jean-Pascal Flavien leur permet de créer un espace s’adaptant à leurs projections, incarnant leurs propres fictions.

Si nous avons besoin aujourd’hui de penser la dimension discursive de l’espace public, c’est ainsi avant tout pour en saisir sa dimension fictionnelle. Evidemment, la fiction est l’une des composantes du langage. Mais surtout, la fiction est partie prenante du processus de construction de l’espace public.

D’un côté les architectes, les urbanistes projettent leurs fantasmes quant à l’utilisation de l’espace public lorsqu’ils construisent un bâtiment, organisent un espace. De l’autre, ils sont influencés par leurs lectures, les cinémas, la bande-dessinée…Les usagers projettent quant à eux leur propre grille sur l’espace public dans lequel ils vivent. Une grille mêlant perception et construction culturelle. Les fictions personnelles et collectives, directement issues des productions culturelles influencent directement la matérialité de l’espace public tant les architectes, artistes, urbanistes créent des formes incarnant ces fictions.

On pourrait ajouter que la fiction inclue l’utopie. Mais comme le souligne Jacques Rancière dans une interview : « Le mot d’utopie est porteur de deux significations contradictoires: le non-lieu et le bon lieu. » Un endroit sans lieu, non situé, d’un côté et un endroit où il faut être de l’autre. La première acception du terme est liée au rêve, la seconde à la voie qu’il faut suivre pour être bien, à une forme de prescription. Et donc nous revenons à l’idée de « care » et à son ambiguïté démocratique.

Une incroyable action de l’artiste conceptuel Raivo Puusemp, la dissolution de Rosendale, est une incarnation très intéressante du lien entre « care », langage et fiction dans la constitution de l’espace public.

Raivo Puusemp a occupé durant deux ans la fonction de maire de la commune de Rosendale (un petit village dans l’État de New York, criblé de dettes et, comme tant d’autres villes américaines à l’époque, en proie à des querelles politiques et générationnelles intestines), allant de sa campagne électorale jusqu’au moment où il démissionne après avoir réussi à redessiner les limites du village, le dissolvant juridiquement et l’incorporant dans la ville voisine du même nom.

Ce qui est intéressant pour nous avec cette intervention de Puusemp, c’est la possibilité d’effacer administrativement un espace public, donc de l’effacer à la fois concrètement et immatériellement, et d’une manière bien sûr discursive. L’espace public de Rosendale devient réellement un non- lieu et l’action de Puusemp interroge dans le même temps l’autorité du maire et l’impact du langage dans la construction de l’espace public.

Qu’est-ce que le programme Jeunes Commissaires peut apporter à ton travail, à travers un projet tel qu’In Extenso ?
Commissaire depuis 10 ans, je suis spécialisée dans la construction d’exposition et de projets contextuels et collaboratifs. Une exposition est pour moi une interface avec un contexte qui produit pour chaque projet une histoire, une image globale, une connexion avec le public. Le contexte social, économique, architectural, le public concerné et tous les paramètres inhérents à chaque exposition sont posés de manière paroxystique dans chacun de mes projets, pour le Parc Saint Léger ou en freelance avec ou sans le collectif Le Bureau/.

Le Bureau/ est un collectif de commissaires basé à Paris que j’ai cofondé en 2004. Notre objectif est de questionner et d’expérimenter l’exposition comme espace dynamique de transmission. Le commissariat collectif est un principe fondateur du groupe, la rencontre des compétences et des sensibilités permettant la production de protocoles fondés sur des lectures multiples et relatives de l’œuvre.

Je suis également chargée depuis 2010 de la programmation Hors-les- murs du Parc Saint Léger, centre d’art contemporain. J’y ai développé des projets avec différents partenaires à l’échelle d’un territoire. Les projets sont destinés à des espaces catalyseurs de liens sociaux : musées, hôpitaux, écoles, les vitrines d’une ville, un centre commercial etc. Les expositions et événements que j’organise sont toujours pensés à partir des lieux qui les reçoivent, avec les personnes qui les animent et un ou plusieurs artistes pour lesquels le contexte fait écho aux problématiques de travail. Des expositions collectives permettent aussi de poser des enjeux artistiques réagissant aux lieux dans lesquelles elles s’inscrivent et ainsi les problématisent.

C’est pour mettre en perspective cette pratique que j’ai produit « Micro- séminaire », un livre traitant des pratiques curatoriales et artistiques. La France est un peu en retard sur ces réflexions et de plus nous avons cette exception culturelle française, cette spécificité liée à notre système de financement public. « Micro-séminaire » réunit un ensemble d’échanges entre plusieurs acteurs français importants pour les pratiques collaboratives et contextuelles, ainsi que la traduction de textes essentiels sur le sujet (Raqs Media Collective, Hassan Khan, Claire Bishop, Maria Lind). Micro-séminaire.

Le projet In Extenso me permet d’aller plus loin dans cette recherche sur l’interaction entre art et espace public, au sens large.

Que signifie le métier de commissaire d’exposition de nos jours ? Comment décrirais-tu son rôle dans la société?
Pour moi, être commissaire c’est participer à la construction d’une connaissance alternative du monde, en collaboration avec d’autres, principalement les artistes, mais pas seulement. Il faut dépasser les catégories universitaires pour mélanger les disciplines dans une optique collaborative.

Je viens de la bande-dessinée et de la philosophie, et je cite souvent Scott Mc Loud, théoricien de la bande-dessinée pour présenter ma pratique. En effet, le display mis en place par un commissaire peut être comparé au montage des images d’une BD :

comic

Une exposition est un montage et une forme de connaissance car elle crée du sens en assemblant différents éléments. Evidemment ce sens est construit avec les artistes, les chercheurs ou tout autre participant. Créer une exposition est une pratique collective.

Mais l’exposition n’est pas le seul médium du curator : textes, workshops, lectures, conférences sont aussi des médias appropriés.

Qu’est-ce que le programme Jeunes Commissaires peut apporter à ton travail, à travers un projet tel qu’In Extenso ?
Le processus du projet In Extenso fait complètement écho à ma propre méthode de travail : collaboration, transdisciplinarité, recherche etc. Le projet commence par une table-ronde avec Markus Miessen et Jean-Pascal Flavien, ainsi qu’un workshop permettant les échanges avec la scène berlinoise pour développer l’exposition qui aura lieu en 2015 de manière collaborative. Je suis donc très heureuse que Cathy Larqué, Matthias Bottger et Marc Bembekoff m’aient invitée pour ce projet passionnant autour de la notion d’espace public.

Workshop : Espace Public

Workshop In Extenso – Erweitert : Espace Public, le 27 novembre 2014 au Deutsches Architektur Zentrum avec :

– Yildiz Aslandogan, architecte
– Fabien Bidaut, architecte
– Alicia Frankovich, artiste
– Judith Lavagna, commissaire d’exposition indépendante
– Aude Pariset, artiste
– Joanne Pouzenc, architecte
– Cailen Pybus, architecte
– Tanya Ostojic, artiste
– Vanessa Safavi, artiste
– Cathy Larqué, responsable du Bureau des arts plastiques
– Matthias Böttger, commissaire d’exposition du Deutsches Architektur Zentrum

Composé de fonctionnalisme architectural, de planifications urbaines, de discours officiels et de prises de parole/actions spontanées, intégrant aujourd’hui une importante dimension virtuelle, “l’espace public” est plus que jamais un lieu fragmentaire où s’élabore de nouvelles cultures et “sous-cultures” globalisées. Dans ce contexte se produisent des évolutions de pensée divisées et contradictoires, selon des processus de valorisation ou de dé-valorisation connexes, que Céline Poulin a examinés autour d’une série de mots-clefs, en discussion avec les artistes, curators, activistes ou architectes, Yildiz Aslandogan, Fabien Bidaut, Alicia Frankovich, Judith Lavagna, Aude Pariset, Joanne Pouzenc, Cailen Pybus, Tanya Ostojic et Vanessa Safavi. Chacun des invités participant au workshop avait amené avec lui des objets, images, textes, anecdotes, visant à produire ensemble une constellation de notions formant un visage discursif, une image langagière de l’espace public.

La conversation s’organise autour des notions d’art, d’espace urbain, d’intimité, de communication, d’éthique, de positionnement… Elle s’établit sur le décalage existant chez chacun entre différentes conceptions de l’espace public, comme espace partagé, pratiqué, traversé, occupé, espace utopique, alternatif mais aussi espace accidenté, régenté, altéré, espace réel ou fictionnel, virtuel ou non…et dans tous les cas espace de projection personnel et collectif. Extraits des réflexions et échanges autour de quelques-unes des notions abordées.

ANONYMAT.
L’espace public peut-il permettre un effacement de l’identité de la personne qui s’expose elle-même ou par l’intermédiaire d’une œuvre ? Ici l’effacement est perçu comme positif (l’artiste est passeur/média d’un message qui le dépasse) là comme négatif (disparition de la singularité). L’hyper-exposition, liée aux nouveaux modes de sociabilité, permet-elle de pousser les limites du sujet individuel et d’amplifier son discours? Ou au contraire le noie-t-il dans la masse ? L’utilisation d’un lieu dit impersonnel – tel qu’une place publique, un mur, un espace d’expression numérique – peut mettre en valeur l’aspect particulièrement personnel d’un discours, et vice versa. On parle par exemple de “prendre la parole par le masque”, soit d’utiliser les tensions possibles entre intime et public, pour retourner les évidences, les tabous et les interdits contre eux-mêmes et ainsi produire de nouvelles hypothèses. On évoque Suzanne Lacy et le cheminement de la pensée de l’artiste pour In Mourning and In Rage, de la conception d’une expression dans l’espace de la galerie, au message du panneau publicitaire, jusqu’à la prise de parole dans la rue de femmes participantes et co-créatrices du projet (https://www.youtube.com/watch?v=idK02tPdYV0).

TRANSPARENCE.
Comment les vastes espaces digitaux d’aujourd’hui sont-ils définis ? Fondent-ils une nouvelle “échelle humaine” au sens de l’intime, du mesurable, de l’empirique ? Les artistes s’emparent de cette question, mettant en jeu de nouvelles fusions possibles entre le privé, le confiné et l’ouvert, le public. La discussion s’enflamme à l’évocation du projet berlinois de Dries Verhoeven Wanna Play? Love in Times of Grindr, mettant en exergue l’ambiguïté de notre conception de l’espace virtuel comme espace public et les positionnements idéologiques qui sous-tendent les différentes conceptions. Nos nombreux écrans, avec les applications et systèmes qui les gèrent, créent des liens puissants entre de multiples domaines, semblant parfois étrangers les uns aux autres et dont la rencontre provoque des effets problématiques et fascinants.

PROPRIÉTÉ.
Cette question épineuse de la propriété est fondamentale dans la définition de l’espace public tant elle influe sur notre perception d’un lieu : à qui appartient-il ? Qui en est responsable ? Un espace public est-il un espace appartenant au pouvoir public, ou au contraire à personne donc à tous ? Certains espaces sont privatisés au sein de l’espace public, comme les espaces publicitaires (http://www.referenceforbusiness.com/history2/59/JCDecaux-S-A.html). La propriété rejoint la question légale de la circulation des biens, des personnes et des contenus. Internet, cet espace libre “par excellence” permet des usages révolutionnant le quotidien mais aussi des dérives que les structures légales ne parviennent que mal à contenir. Quels enseignements retirer des approches pluridisciplinaires concernant les limites de nos possessions  ? Comment définir les limites de ce qu’une œuvre englobe en tant que phénomène ?

IMPACT.
Si l’on pense notamment aux donnes du capitalisme actuel, on ne peut ignorer les exigences nouvelles en matière de partage de l’espace public. Chaque intervention, ponctuelle ou permanente, laissera une trace. Comment intégrer l’impact des problématiques socio-artistiques sur l’espace, qui n’est pratiquement jamais totalement libre, totalement gratuit, totalement disponible? L’installation d’Aude Pariset 3 days after ; Adeus, Ćao construite dans un centre commercial à moitié désaffecté à Nevers soulève de multiples interrogations sur la nature de ces espaces qui tout en appartenant à des sociétés privées répondent à certaines définition de l’espace public (comme espace de représentation et de rencontre notamment). Supposant que tout art a pour ambition d’avoir un impact, il devient intéressant d’observer des pratiques qui se fondent dans le contexte culturel et deviennent discrètes, voire imperceptibles ou invisibles, prêtant les “utilisateurs” (passants, spectateurs, ou autres) à confusion, en s’accommodant de positions semblables à celles de la publicité ou de l’architecture fonctionnelle pour en souligner l’ambiguïté.

LIBERTÉ.
La dimension événementielle de l’art dans l’espace public est de plus en plus importante et les démarches opérationnelles des œuvres s’accompagnent souvent, dans ce cadre, d’une planification d’impact. Ce plan peut agir en faveur d’une conquête ou reconquête d’un lieu ou d’un public, par exemple. Cet aspect déçoit une conception romantique de l’espace public comme lieu où la liberté d’opinion et d’expression peut – ou doit – s’exprimer, conception renvoyant non à l’expression d’un groupe de pouvoir institué mais aux expressions individuelles ou spontanées. La définition des modalités de production des œuvres par les institutions qui les rendent possibles est une variable indispensable dans la prise en compte de l’évolution de cette idée d’espace public comme espace de liberté. Si une intervention est clairement annoncée comme œuvre artistique, inclue dans un programme, son impact peut-il finalement être compromis ? L’intervention va, c’est certain, “faire sens” différemment si elle fait partie d’un programme institutionnel ou si elle apparait soudain dans le quotidien.

Certaines pratiques peuvent ainsi choisir de quitter une identification comme appartenant au champ artistique pour le champ de l’activisme par exemple. La question qui se pose va être alors la valorisation du projet s’il y a restitution du projet dans le domaine de l’art. Le projet de Raivo Puusemp, Beyond Art, Dissolution of Rosendale est intéressant à plus d’un titre concernant le choix d’un artiste d’intervenir dans la sphère politique en tant que citoyen, tout en considérant son action en filiation avec sa pratique conceptuelle. La difficile catégorisation de l’intervention dans un champ ou dans un autre, dans un espace ou dans un autre (l’intervention se situe principalement dans l’espace discursif mais pas uniquement) est une condition nécessaire d’existence du projet. On souligne cette nécessité à ne pas catégoriser, à éviter de tracer des frontières précises entre les concepts, les espaces, car plus on s’intéresse à un objet, plus il devient difficile d’en cerner les contours, comme l’écrit Ariella Azoulay dans ses recherches sur la notion de révolution (http://www.politicalconcepts.org/revolution-ariella-azoulay/), cette difficulté étant l’expression de la complexité de l’objet lui-même.

TRANSIT.
Si l’occupation des espaces publics suit une règle du jeu très établie, une opportunité marquante dans la construction sociale d’une œuvre pourrait être celle d’une situation de transit, d’un “entre-deux”, d’un lieu de passage. Une forme difficile à saisir et limiter, rendant son appropriation compliquée à fixer, sa propriété impossible à attribuer. Qui parviendra à coloniser un espace entre-deux, un espace en mouvement? Il est certain qu’une zone de passage reste un espace de questionnement du sentiment d’appartenance et de propriété, tant d’un point de vue pragmatique que symbolique. Certains exemples politiques démontrent que les zones de “passages” sont souvent des zones de conflit. Le conflit est un mode de rencontre artistique fertile, comme le dit Chantal Mouffe dans un entretien avec Markus Miessen «It is necessary to subvert the consensus that exists in so many areas, and to reestablish a dynamic of conflictuality».  Ainsi, il peut s’agir non seulement d’occuper un espace en transition mais surtout de créer des zones de passage, des sortes de non-lieux. Comment dès lors dans un espace sans “spécialisation” spécifique et stable, est-ce que le discours se développe?

Texte : Jeanne-Salomé & Céline Poulin

Céline Poulin

Céline Poulin, née en 1978, est commissaire indépendante depuis 2004 et chargée de programmation Hors les murs au Parc Saint Léger depuis juin 2010.
Spécialisée dans les problématiques de production dans des contextes spécifiques, ses projets expérimentent des formats d’expositions ou d’événements. Ils témoignent toujours d’une attention particulière à la réception du public et aux dispositifs de collaboration.
Céline Poulin a notamment mené le programme Brigadoon à Clermont-Ferrand en 2013 et Les belles images à la Box en 2009/2010. Elle est membre co‐fondatrice du collectif le Bureau/, structure de recherche sur les pratiques curatoriales, à l’origine d’une dizaine d’expositions dans des contextes nationaux et internationaux : La Villa du Parc à Annemasse en partenariat avec le Mamco, Le Casino au Luxembourg, la galerie Klemm’s à Berlin, La Synagogue de Delme, Les Laboratoires d’Aubervilliers en partenariat avec le Fond National d’Art Contemporain, et certains avec l’Institut français ( «Public Spaces» à Berlin, «Uchronie, des récits de collections» à Klatovy, Prague et à Arc-et-Senans en partenariat avec le Frac Franche-Comté en 2011/2012 ).
Au Parc Saint Léger, Céline Poulin a pu mettre en place des projets d’exposition et de productions collaboratives sur le territoire comme Traucum en 2014, Minusubliminus en 2011 avec le musée de la Loire à Cosne-Cours-sur-Loire ou Triangulation d’Alejandro Cesarco avec le Frac Bourgogne et le Centre culturel de rencontre de la Charité sur Loire en 2013.
Ses projets comportent souvent un volet éditorial, numérique ou papier :  www.brigadoon.me, 2014 ; Micro-séminaire, édition Parc Saint Léger, 2013 ; Stellatopia, édition Parc Saint Léger, 2012; Mecca Nouement, édition du Crédac, 2011 ; www.lesbellesimages.net, 2010 ; Un plan simple, édition B42, 2010 ; Mecca Formes souterraines, une géométrie organique, édition du Crédac, 2009.
Céline Poulin siège au conseil d’administration de c-e-a et est membre de l’IKT.